Interview recueillie par Klém le 29/02/2000
Klém
- Pourrais tu me résumer ton parcours discographique ?
La Peste - HL003, HL005, Horde liquide 002, HL013 + quelques tracks et collaborations sur les HL009, Echild006, KS333, quelques apparitions sur des CDs (dernièrement celui de la fuck parade), plus des CDRs et des tracks sur dub plate... A posteriori, je trouve beaucoup de choses ridicules / je n'entends presque que les erreurs / demain sera largement plus intéressant mais j'espère que le surlendemain me fera dire de la veille que c'était à chier. Cette intranquilité me plonge souvent dans l'abysse de la dépression, mais au moins ça me permet de cristalliser le temps, différemment d'avec la défonce ou le sexe, c'est une cristallisation longue qui n'a pas de prix.
Klém - Quel regard jettes tu sur tes productions de Hangars Liquides ?
La Peste - Je n'ai pas tout le temps le point de vue de Sirius, j'alterne les points de vue, du détachement névrotique-regard lointain-fin de règne-heure du bilan au blocage de proximité-pupilles de fou / j'ai évidemment des regards plus intimes. Parfois l'instant s'étire comme dans une reverb et m'arracherait presque (?) des larmes.
Klém
- Quelle est, en gros, l'orientation artistiques du label et de ses artistes
?
La Peste - La désorientation artistique / je sors ce que j'aime à un moment donné, le problème pour ceux qui se demandent où hangars veut en venir, c'est que je suis très instable. Il n'y a pas UNE ligne artistique (tiens au passage "ligne artistique/trait de génie" ça serait pas mal pour un titre), mais des égarements psychédéliques.
Klém - Quels sont tes meilleurs souvenirs de soirée ?
La Peste - J'adore jouer dur pour essayer d'arrêter le temps (encorencorencore) et quand ça marche bien on me renvoie l'onde de choc et ça me fait très plaisir... quand on vient me voir et qu'on me dit des choses comme "c'est comme du sexe" ou "à partir du milieu, ça m'a réconcilié avec la déconstruction... ou la construction, je sais plus, mais on touche quelque chose du doigt" ou qui, sans qu'on se connaisse, se mettent d'un coup à me parler du sens de leur vie... Je me dis que tout ça n'est pas vain, et, en tant que souvenir, c'est à ces moments d'échange que je préfère penser plus qu'aux 4000 personnes d'Ososphère à la Laiterie l'année dernière, pour ne citer qu'elle, j'ai adoré jouer avec Christoph de Babalon, à Cologne, dans une teuf K-Bal après un live (excellent) de Korrigan, aux Pays Bas (où j'adore jeter des ambiances glaciales), une free terrible dans le Pays Basque (du 350 bpm au lever du soleil la mer à nos pieds), etc...
Klém - Que t'inspires la scene hardcore et free actuellement ?
La
Peste - Si par scène free tu entends free party acidcore-hardtech,
je déteste / il y a peu de musiques qui m'emmerdent autant, je trouve ça très
malsaint, on n'a qu'une vie et ça me révolte qu'on n'essaie pas de la traverser
dans le plus de dimensions possibles (MAIS je comprends qu'on puisse aimer,
je crois que le public hardtech a besoin d'être rassuré, alors que les amateurs
de hardcore musical [=par opposition au gros 4X4 de base produit comme du
hardcore mais à qui manque cette dimension oscillatoire, mathématique, fractalienne
et psychédélique] aiment se perdre dans la contemplation de la complexité
du monde: c'est une énergie moins évidente à palper, mais si grandiose. Le
terme de hardcore va bientôt ne plus vouloir dire grand chose. Tieum et Labitox,
ça n'a rien à voir ! Je pense à tort peut-être qu'on va assister à une fracture,
ouverte depuis lontemps, certes, mais jusqu'à présent ça cohabitait à peu
près, du moins en France, entre d'un côté la grosse gabba et son côté festif
très techno, de l'autre des choses plus jazz (au sens large : musique d'écoute
complexe qui tire son intérêt de l'expérimentation). Le hardcore "massif",
ça me plait de moins en moins, même si la prod m'impressionne parfois / Un
des gros problèmes du hardcore en France, c'est qu'on en n'entend pas ou alors
trop tard et pour un public qui ne connait cette musique que via la sono des
autoradios, c'est totalement frustrant : on ne perçoit les harmoniques d'un
kick qu'à partir d'un certain volume. Je suis convaincu que beaucoup plus
de personnes se laisseraient tenter par le hardcore dit expérimental si elles
avaient l'occasion d'en écouter dans de bonnes conditions de diffusion (c'est
d'ailleurs peut-être ce qui fait frémir les free-parteux hardtech, conscients
de la fragilité de leur succès). Une saturation sur un son de merde, ça sonne
crade et bêtement agressif / sur 20 KW, si tant est que le disque soit bien
produit à la base, c'est totalement abstrait, la déflagration s'apparente
à une esquisse de l'idée musicale, comme le summum de la musicalité poussée
dans ses retranchements les plus subjectifs.
Klém - Que penses tu de notre région (Montpellier, Languedoc) en terme de soirees et d'artistes ?
La Peste - Rien malheureusment, je ne la connais pas assez / je ne demande qu'à mieux connaître d'ailleurs !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Klém - Derniere question, les projets qui te tiennent a coeur dans un futur proche ?
La Peste - Réponse toute faite: me projeter. Je caresse l'idée (faute de mieux) de mettre de l'ordre dans un bordel ambiant dont j'ai cru qu'en surgiraient des aventures audacieuses / trouver le temps de faire plus de musique sur du matériel qui ne plante pas (fuck mac OS 8.6) et me permette d'exploiter au maximum la synthèse virtuelle.
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |